Quatre ans après avoir filmé les artères bondées de New-York dans Casse tête chinois,
Cédric Klapisch a établi son camp de base en terre bourguignonne et s’attaque à un sujet beaucoup plus bucolique.
Pari réussi puisqu’avec Ce qui nous lie, il réalise, chose rarissime, un vrai bon film sur le monde du vin.
Pour ceux qui seraient passés à côté, retour sur les raisons d’un succès.
L'histoire
Jean (Pio Marmaï) revient au domaine familial au chevet de son père mourant après dix ans d’absence sans donner aucune nouvelle.
Écrasé par l’immobilité du domaine viticole bourguignon, il a couru le monde avant de prendre la tête d’un vignoble en Australie.
Il retrouve à la veille des vendanges sa sœur Juliette (Ana Girardot) qui a pris timidement le relais à l’exploitation et son petit frère Jérémie (François Civil) qui lui en veut encore d’avoir disparu sans laisser de trace.
Ensemble, ils vont apprendre à se redécouvrir alors que deux défis de taille se dressent devant eux: faire pour la premières fois du vin sans leur père et décider du sort de la propriété.
Amour de la vigne, transmission et héritage familiale
Sur une trame classique, Cédric Klapisch nous sert une excellente cuvée, simple, émouvante, légère, comme les meilleurs rouges de la côte de Beaune.
Bien évidemment, Ce qui nous lie est d’abord un film sur le monde viticole, sur l’apprentissage de la terre, sur le processus de fabrication du vin.
Si souvent mal montrée sur grand écran ces dernières années, la viticulture est ici décrite avec une précision qui, loin d’écarter le spectateur, lui ouvre grand les portes d’un monde complexe et méconnu. Toutes ces étapes, le réalisateur les filme sans que ça paraisse ennuyeux une seconde, il insuffle une sensibilité qui touche le spectateur.
Pour passer de la vigne à la mise en bouteille, il y a bien sûr tout un procédé à respecter que Cédric Klapisch ne manque pas de relater, mais il est surtout question dans ce film d’amour de la terre, de partage, de transmission.
C’est surtout cela qui fait le charme du film.
Le thème principal n’est d’ailleurs pas la vinification en tant que tel mais bien la question de l’héritage, héritage familial des terres bien sûr mais héritage d’une tradition surtout.
Mon père m’a transmis cette culture du vin
et cet intérêt pour la Bourgogne
– Cédric Klapisch –
C’est d’ailleurs ce que le réalisateur déclarait cet été dans une interview :
«Mon père m’a transmis cette culture du vin et cet intérêt pour la Bourgogne, explique Cédric Klapisch. Donc le vin pour moi a été assez vite associé à l’idée de la transmission. Je sentais intuitivement que si je voulais faire un film sur le vin c’était parce que j’avais envie de parler de la famille. Ce que l’on hérite de ses parents, ce que l’on transmet à ses enfants.»
Pari réussi
Et le pari est réussi, Ce qui nous lie semble être le premier film d’un nouveau cycle pour Cédric Klapisch.
Il rassemble la fine fleur de la jeune génération des acteurs français pour traiter de son thème favori, la transmission.
Le casting est aux petits oignons, les acteurs font preuve d’une sensibilité bluffante et nous embarque avec eux dans une histoire touchante. Un film chaudement recommandé par la team Findabottle !
Secrets de tournage
Comme souvent, les films de Klapisch sont une aventure à eux tout seuls et les anecdotes de tournage pullulent.
Tour d’horizon d’un film pas comme les autres.
Un tournage long au gré des saisons
Le film retrace la vie des personnages centraux pendant une année.
À cause d’un soucis toujours plus grand de réalisme, Cédric Klapisch a voulu s’appuyer sur le cycle réel des saisons.
Résultat, le tournage s’est étalé sur huit long mois en 4 sessions de trois semaines : à la fin du mois d’août pour les vendanges, à la fin octobre pour filmer les feuilles de vigne jaunies par l’automne, dans le froid hivernal de janvier-décembre et enfin à la floraison du printemps au mois de mai.
C’est ce qu’on appelle un projet sur le long terme.
Un vigneron au casting
Jean-Marc Roulot joue le rôle de Marcel dans Ce qui nous lie.
Jusque là, rien de fou, me direz vous….
Et bien figurez-vous qu’en plus d’être un acteur reconnu, qui a tourné pour les plus grands (Circulez y a rien à voir de Patrice Leconte, Betty de Claude Chabrol, la confiance règne d’Etienne Chatillez entre autres) il est dans le même temps un grand vigneron bien connu du village de Meursault.
Son expertise a d’ailleurs été déterminante : Pour que le film soit crédible d’un point de vue technique, le viticulteur et comédien a relu les versions du scénario et a expliqué la réalité du monde agricole d’aujourd’hui à Cédric Klapisch et Santiago Amigorena (en leur détaillant par exemple les différences entre Label Bio et biodynamie, entre vin naturel et vin traditionnel).
Autre clin d’œil, son personnage s’appelle Marcel en hommage à un ami vigneron, aujourd’hui disparu, qui l’a soutenu lorsqu’il suivait ses cours d’art dramatique au conservatoire de Paris.
L’hospitalité bourguignonne
L’équipe de tournage de Ce qui nous lie a été reçu en grande pompe par les viticulteurs de la région, une tradition qui a aussi donné au film toute son authenticité.
Cédric Klapisch se souvient :
“Ils sont arrivés à 11 heures du matin, on est allés déjeuner, ils ont bu huit sortes de Bourgogne à table. Ambiance « découverte du terroir »… À 14 heures, ils étaient déjà complètement bourrés.
Mais ça a continué, juste après, nous sommes allés visiter certains domaines. Ils ont parlé avec différents vignerons qui… à chaque fois, leur faisaient goûter différents vins et en fait, toute la journée ils n’ont fait que boire. Ça s’est terminé par un repas chez Jean-Marc Roulot et Alix de Montille. À la fin de la nuit ils étaient tous les trois dans un état second…!”
Une apparition surprise
Comme dans chacun de ces films, Cédric Klapisch s’est amusé à se glisser dans le casting des figurants. On vous laisse deviner à quel moment, ça devrait pas être trop compliqué.